2 – le clan
Alors qu’il sortait de sa yourte, un court instant, Oktarii fût ébloui par la lumière froide et pâle du soleil. Tous les membres de son clan possédaient cette étrange couleur de peau blanchâtre, presque albinos. Personne ne savait depuis quand ils avaient cette couleur. Quand leurs ancêtres étaient encore humains, étaient-ils blancs eux aussi ? Est-ce arrivé lors du grand cataclysme ou survenu après, au fur et a mesure de générations ?
Personne n’est sûr de cela, mais tous ici savent une chose : ils s’adaptent et changent, pour devenir plus forts et plus puissants. Ils sont les chaînons de l’évolution humaine, quelque chose de meilleur, de plus adapté que les simples humains du monde passé. Quand leurs mutations se seront stabilisées, ils deviendront parfaits, des êtres supérieurs en tout point.
Alors qu’il se dirigeait vers le point de rendez-vous habituel du groupe de chasse, il observa attentivement autour de lui, comme a chaque fois. On ne sait jamais. La vie est si courte ici bas. Les anciennes habitations avaient toutes été utilisées pour créer de nouveaux abris aux membres de la tribu. Le sol cendreux partait en poussière à chaque pas.
Chaque personne qu’il croisait lui adressait un salut très respectueux mêlé de crainte. Quand il portait son habit traditionnel et son masque de chasse, il n’était plus Oktarii, le joyeux père de famille. Il était le Cowaxtle, le sans âme, l’exécuteur sans regret.
Il entendit le rire criard des jumeaux Of, sans réellement les voir. Ces deux démons avaient une taille réellement petite, mais cela leur permettait de se dissimuler facilement dans le chaos du campement. Ils n’avaient peur de rien, ils ne respectaient rien. Ils devraient se méfier et montrer plus de respect. Dans une meute de chien, si un individu pose problème, il est dévoré par ses congénères. La loi du plus fort, la loi de la sélection naturelle en somme. Et cette loi s’applique aussi dans la tribu. Tout le monde le sait, les frères Of aussi, mais leurs liens fraternels forts leur donnait l’impression d’être véritablement invulnérable. Ils avaient tord.
Les altérations de la nature ne sont pas uniquement physiques et certains se révèlent devenir de vrai tueurs psychopathes ou simplement trop mutés pour comprendre réellement se qui se passe autour d’eux. Les plus dangereux sont exécutés dès que leur comportement est découvert, le plus souvent suite à leur première agression physique envers quelqu’un de la tribu. Dans la lutte pour la survie, aucune violence interne n’était acceptée. La sentence était immédiate.
Alors qu’il continuait son avance vers la sortie du camp, il passa à coté de T’mas. Il faisait partit ceux qui arrivent à se contenir et à utiliser leur rage contre n’importe quelle autre proie. Son but n’était pas de chasser, il n’en avait en aucun cas les capacités intellectuelles de toute façon. Son rôle était d’être violent, effrayant et de tuer quiconque sera suffisamment inconscient pour s’approcher trop près du campement. Il était devenu une Face de Cuir, nom tiré des masques en peaux qu’ils portaient constamment pour prévenir les autres habitants de leur personnalité violente mais aussi pour terroriser leurs ennemis. Pour cela ils utilisaient les armes les plus massives, les plus barbares, les plus bruyantes, les plus impressionnantes. Certainement pas les plus efficaces et les plus rapides.
T’mas n’avait même pas remarqué que le Sans Âme marchait juste à coté de lui. Il était assis sur une peau dépliée a même le sol, où il avait étalé les pièces de sa monstrueuse arme de guerre a chaîne tournoyante. Il semblait absorbé par sa machine, héritée de plusieurs générations de Faces de Cuir. Elle avait été modifiée en de très nombreuses occasions, et plus aucune pièce d’origine ne semblait rester.
Oktarii avait déjà vu T’mas partir déloger une petite colonie humaine venue s’installer trop près. Le voir démarrer sa machine était un spectacle effrayant. Le grondement de démarrage de sa machine l’avait véritablement fait hurler d’un plaisir quasiment sexuel. Et le regard de T’mas au travers son masque de peaux était un puits sans fond. Quand il était dans cet état il faisait véritablement corps avec sa machine, elle était une extension de sa propre volonté.
Ils étaient partis faire leur sale besogne à une demi-douzaine de tueurs. Il avait été le seul à revenir, véritablement trempé de sang humain, et avec suffisamment de peaux pour se faires quelques masques neufs. T’mas est leur meilleur Face de Cuir. C’est une arme, un boucher, et rien d’autre.
Absorbé par ses pensées, il senti un frisson parcourir son dos en repensant a cet événement, il vit le groupe de chasse déjà complet qui l’attendait droit devant lui, a l’orée du village reconstruit.